Skip to content

Les facteurs de risques psychosociaux

Luca Stevenson 23 mars 2022 11:27:10
Les facteurs de risques psychosociaux

Les RPS interagissent fortement entre eux, par exemple un état de stress chronique va favoriser l’émergence de conflits, ou à l’inverse, une situation conflictuelle peut entraîner l’apparition d’un état de stress chronique. De même, les facteurs provoquant ces RPS peuvent à la fois être organisationnels, relationnels et individuels. Voici une synthèse des 12 facteurs explicatifs des RPS.   

Sommaire :

L’organisation interne

Certains dysfonctionnements dans l’organisation du travail et sa répartition peuvent créer l’apparition de risques psychosociaux

  • Absence de contrôle sur la répartition et la planification des tâches dans l’entreprise,  et notamment des imprécisions sur les missions confiées
  • Objectifs et exigences croissantes de l’entreprise : augmentation de la productivité, multiplication des process et des outils, flux tendus, accélération des cadences - entraînant une perte des valeurs et une dégradation de l’image du travail
  • Contradictions entre les différentes exigences du service ou du poste, par exemple faire vite et bien, tout en satisfairsant les clients et les quotas
  • Inadéquation entre les objectifs fixés et les moyens fournis aux salariés pour les atteindre
  • Absence d’organigramme ou dysfonctionnements dans l’organigramme (par exemple : double hiérarchie)
  • Utilisation croissante des techniques de communication à distance, individualisation de l’activité professionnelle
  • Evaluation par des indicateurs de performance individuelle : éclatement du collectif dû aux méthodes d’évaluation, compétition, pressions
  • Absence d’un service des ressources humaines, d’instances représentatives du personnel, d’un CSE, d’une politique de prévention des RPS…
  • Absence d’informations relatives à des changements organisationnels importants

Ces dysfonctionnements organisationnels peuvent engendrer de l’incertitude et de l’insécurité chez les salariés, qui peuvent être à l’origine de l’apparition de stress chronique et  de conflits.

Les conditions d’emploi

Ici, on parle des conditions formalisés dans le contrat de travail, concernant notamment la sécurité de l’emploi et les avantages reçus (rémunération, temps de travail, congés, astreintes, horaires).

L’insécurité peut être provoquée par :

  • Le type de contrat : instabilité des contrats de travail, contrats précaires, sous traitance, emploi temporaire ou occasionnel
  • Le contexte économique de l’entreprise : restructuration, délocalisation, mauvaise santé économique, situation de rachat, plan social, compétitivité, forte concurrence
  • Un plan social
  • Une évolution de l’environnement socio-économique : surenchère à la compétitivité sur le plan national ou international 
  • L’importance de la concurrence

L’insécurité de l’emploi est un facteur de risque pour la santé : réduction du sentiment de maîtrise de la situation, du sentiment d’estime de soi, génération de peur par une situation d'incertitude sur l'avenir, etc. 

Les conditions matérielles de travail

Ici, on parle des risques dûs à l’environnement physique de travail :

  • Le poste de travail : espace du bureau, atelier, usine…
  • Les déplacements professionnels : risques d’accident (conduite sur la voie publique ou de machines mobiles)
  • Les outils de travail : moyens matériels disponibles, adaptées et/ou suffisants ?
  • L’exposition à des risques physiques : conditions sonores, thermiques, visuelles, vibrations, agents chimiques/biologiques/radiation, etc. 
  • Les contraintes posturales et articulaires : position debout, piétinement, position fixe, accroupi, torsion, répétition d’un même geste, etc. 

Ces facteurs de risque peuvent entraîner de nombreuses pathologies dites « professionnelles » telles que les troubles musculo-squelettiques, des problèmes cardio-vasculaires, des allergies, des cancers, de l’hypertension, etc.

La charge de travail

La charge de travail peut être caractérisée par plusieurs aspects :

  • Quantité, rapidité, contraintes de rythme de travail : surcharge ou sous-charge de travail (exemple : heures supplémentaires fréquentes)
  • Complexité, intensité, précision des objectifs fixés : ordres ou exigences contradictoires, longues périodes de concentration intense, efforts physiques importants
  • Morcellement de l’activité, prévisibilité : par exemple, interruption dans le travail, nécessité d’attendre le travail des collègues...
  • Polyvalence subie : plusieurs activités, remplacements dans l’urgence…
  • Exigences émotionnelles : confrontation à un public engendrant de possibles situations de tension, nécessité de gérer/maîtriser ses émotions...

Autonomie et responsabilité

Chaque collaborateur.trice a besoin de se sentir responsable et autonome dans son travail, d'apporter sa valeur ajoutée dans la mission qui lui est confiée.

L’autonomie au travail est un facteur de risque caractérisé par 3 axes :

  • La latitude ou marge de manœuvre :  pouvoir prendre soi-même des décisions, avoir la possibilité d’influencer le déroulement de son travail, participation aux décisions organisationnelles. Mais aussi l’inverse : standardisation des méthodes de travail et des résultats, contrôle serré des résultats à atteindre, impossibilité d’interrompre son travail à souhait…
  • Utilisation actuelle de ses compétences : effectuer des tâches répétitives ou à l’inverse, le travail demande un haut niveau de compétence, possibilité d’avoir des activités variées...
  • Développement des compétences : apprendre des choses nouvelles dans son travail, devoir être créatif, avoir l’occasion de développer ses compétences professionnelles...

Conciliation vie professionnelle et vie personnelle

La vie professionnelle peut avoir un fort impact sur la vie personnelle : elle peut générer des difficultés de conciliation des temps de vie (exigences du travail et obligations familiales).

Les horaires de travail peuvent impacter la vie personnelle : 

  • Travail en horaires atypiques (horaires de nuit, alternants, fractionnés…)
  • Prévisibilité des horaires
  • Aménagement des horaires possibles

L’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) au travail impacte aussi la vie personnelle, notamment par la consultation des emails après sa journée le soir ou le week-end. 

Le "blurring" - ou l'effacement des frontières entre vie privée et vie professionnelle, est un phénomène qui touche de nombreux actifs. L’hyperconnexion est une opportunité qui offre une grande flexibilité, mais qui peut également avoir des conséquences néfastes sur la santé et la vie privée : perte de repères des limites entre la vie professionnelle et la vie privée, stress chronique et pression psychologique, exigence de disponibilité permanente et de rapidité dans les délais de réponse, etc.

Le droit à la déconnexion, inscrit dans la nouvelle loi Travail, a pour objectif de permettre aux salariés de concilier vie privée et vie professionnelle tout en luttant contre les risques psychosociaux. 

Les conflits de valeurs

Ici, il s'agit de l’état de mal-être ressenti par le salarié quand les exigences du travail s’opposent aux valeurs professionnelles, personnelles, sociales, compte tenu de la nature du travail à réaliser ou du temps et des moyens dont le salarié dispose.

Les conflits de valeurs peuvent avoir 3 origines :

  • La qualité empêchée : le travail considéré comme bâclé ou médiocre (faute de moyens matériels, temporels, humains)
  • Le dilemme éthique : lorsque les valeurs et les principes de l’individus entrent en opposition avec les exigences du travail. On parle de conflit ou souffrance éthique (faire des choses contraires à ses valeurs)
  • Un sentiment d’inutilité du travail : sentiment de faire un travail ou une tâche inutile, voir absurde, qui peut conduire au brown-out - la perte de sens dans le travail.

Devoir travailler d’une façon qui heurte la conscience professionnelle ou personnelle peut être particulièrement néfaste pour la santé mentale et physique.

Le climat social

Ici, il s'agit du degré de satisfaction des salariés dans l’entreprises. Voici les indicateurs du climat social : l’absentéisme, le turn-over, les démissions, les revendications, les tensions et conflits entre collègues, les défauts de communication, les incivilités, les propos méprisants, le favoritisme, la discrimination, etc.

Les relations au travail sont fondamentales dans le processus d’adaptation de l’individu au travail. Les relations conflictuelles sont source de stress et génèrent des dysfonctionnements (accidents de travail, erreurs professionnelles).

Les facteurs pouvant influer sur le climat social sont :

  • Des facteurs extérieurs à l’entreprise : crise économique, augmentation du chômage, baisse ou augmentation de la consommation
  • Des facteurs internes à l’entreprise : stress, relations au travail tendues, frictions ou colère entre collègues, à l’inverse: esprit d’équipe, satisfaction des salariés

Le climat social peut être également impacté par l’existence de situations de tension avec un public : exposition à un risque d’agressions verbales, physiques ou d’incivilités.

Le soutien social

Le travail est un lieu de socialisation très important. En effe,t les RPS sont accrues avec l’isolement.

C'est pourquoi, il est essentiel de développer et de maintenir un bon soutien émotionnel et professionnel : 

  • Entre collègues : sentiment d’avoir sa place dans l’équipe, forte motivation collective, esprit d’équipe et de collaboration, entraide entre collègues (versus compétition ou concurrence), information nécessaire à la réalisation du travail partagée entre collègues, appui des collègues devant un client insatisfait...
  • Entre supérieur(s) et subordonné(e)s: disponibilité des supérieurs, possibilité de les rencontrer, accessibilité, capacité des supérieurs à soutenir leurs employés, les supérieurs aident à mener la tâche des salariés à bien, ils facilitent la réalisation du travail, ils se sentent concernés par le bien-être des subordonnés, ils écoutent et prêtent attention à ce que disent leurs collaborateurs...

L’absence de soutien social de la part des collègues ou des supérieurs hiérarchiques est évidement génératrice de mal-être et de stress chronique.

La reconnaissance professionnelle

La reconnaissance professionnelle, c'est un retour sur l’évaluation du travail du salarié.

 

Nous accordons tous beaucoup d‘importance à la reconnaissance de notre valeur professionnelle car elle participe à notre construction personnelle. Celle-ci passe par la rémunération mais aussi par l’estime, l’intérêt, le respect, la sécurité de l’emploi ou les perspectives de promotion.

La reconnaissance peut provenir des supérieurs mais également des collègues, des subordonnés, des clients ou du public.

Voici quelques exemples : 

  • Reconnaissance symbolique : éloges, distinction, remerciements, lettre de félicitations du supérieur, prix
  • Augmentation salariale, pourcentage
  • Formation, promotion de carrière interne, évolution professionnelle
  • Octroi de congés d’étude
  • Etre informé(e) et consulté(e) en situation de changement

La communication interne

La communication et le dialogue dans l’entreprise sont essentiels au bien-être au travail, à un climat social serein et à l’implication des salariés dans l’entreprise.

Par exemple, pouvoir donner son avis et exprimer ses attentes sur l’organisation de son travail peut contribuer à préserver ou favoriser sa santé physique et mentale. C'est pourquoi tout manager doit être à l'écoute et maîtriser les techniques de communication interne.

La communication interne formelle et informelle doit porter sur :

  • La vision de la direction, les objectifs de l’entreprise, concertation sur les objectifs et le fonctionnement de l’entreprise (communication ascendante)
  • La stratégie de l’entreprise, les nouveaux projets, leur état d’avancée
  • L’organigramme
  • L’activités des autres services
  • Les actualités économiques, techniques…
  • L’information lors de changements organisationnels : concertation en amont de décisions, mise en place de groupes de travail et de réunions d’échanges
  • Les chiffres clés de l’entreprise
  • Les informations importantes des autres services, instances ou acteurs de l’entreprise (service RH, représentant du personnel, CSE...) 
  • Connaissances/informations sur son service : activités des collègues, actualités, chiffres

Pour améliorer la communication interne, voici quelques questions à se poser :

  • Dans quel sens de circulation la communication pose t-elle problème ? (ascendante/descendante)
  • Quel contenu pose problème ? (technique, organisationnel, information générale)
  • Quel canal de communication ? Quel support ? (communication écrite, orale)
  • Quel est le nombre de relais de communication ? (trop de relais = trop de déformation d'information)

Les pratiques managériales

Les pratiques managériales qui dysfonctionnent sont celles qui sont essentiellement basées sur la valorisation du pouvoir et les activités de contrôle des résultats, au détriment de la résolution de problème, de l’animation des équipes et de la communication.

Un bon manager doit assurer plusieurs rôles au sein d’une entreprise :

  • Les rôles interpersonnels : symbole (représente l'entreprise à l'extérieur), leader (guide et motive ses collaborateurs) et agent de liaison (assure le lien entre les collaborateurs).
  • Les rôles liés à l’information : observateur actif (observe et recherche l'information dans et autour de son organisation), diffuseur (diffuse l'information dans son organisation) et porte-parole (communique à l’extérieur de l’entreprise).
  • Les rôles décisionnels : entrepreneur (propose de nouveaux projets et innove), régulateur (décide, gère les troubles et les dysfonctionnements), répartiteur de ressources (alloue les moyens et les ressources) et négociateur (communique et discute avec les parties prenantes pour arriver à un accord accepté par tous).

Un management efficace et générateur de bien-être au travail doit assurer l’ensemble de ces rôles tout en : veillant à ce que le rôle de chacun soit bien défini (clarté des responsabilités, missions et objectifs) et en adaptant son style de management à la situation et à ses collaborateurs (on parle de management situationnel ou adaptatif).

Les actions de prévention

Il est nécessaire d'allier une démarche individuelle à une démarche collective pour prévenir et gérer les risques psychosociaux.

A ce titre, les risques psychosociaux font l’objet d’une forte mobilisation de l’Etat français et des partenaires sociaux ces dernières années : la prévention collective de ces risques professionnels est aujourd’hui obligatoire dans toutes les entreprises (évaluer les risques et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés).

On distingue trois niveaux de prévention des risques psychosociaux :

  •  Le niveau de prévention primaire : réduction des sources de stress - donc, en agissant sur les causes c’est-à-dire en modifiant les caractéristiques du travail qui sont nuisibles à la santé physique et/ou psychique du personnel.
  • Le niveau de prévention secondaire : amélioration de la gestion du stress par l’individu - donc, en aidant les employés à gérer les exigences du travail plus efficacement en améliorant ou en modifiant leurs stratégies d’adaptation aux sources de stress ou en soulageant les symptômes associés au stress.
  • Le niveau de prévention tertiaire : réhabilitation et le traitement des salariés - donc, en gérant  le processus de retour au travail et le suivi des individus qui souffrent ou ont souffert de problèmes de santé mentale au travail.