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Risques psychosociaux au travail

Rédigé par Alizee L. | 5 sept. 2021 08:24:03

Les organisations se transforment, le travail Ă©volue. Les risques professionnels aussi. Depuis une vingtaine d’annĂ©es, le stress et plus largement les risques psychosociaux (RPS) sont progressivement apparus comme des sujets majeurs de la vie au travail, dans les entreprises comme dans les administrations. 

 
DĂ©finition des risques psychosociaux

Les Ă©volutions rĂ©centes du monde du travail ont menĂ© Ă  l’émergence d'une nouvelle classe de risques, les "risques psychosociaux" ou "RPS". A ce jour, cependant, il n’existe pas de dĂ©finition lĂ©gale, le Code du Travail n'Ă©voquant que de l’obligation pour l’employeur de protĂ©ger "la santĂ© physique et mentale des travailleurs" (art. L.4121-1 CTr.). Pour autant, dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 2000, les services du ministĂšre du Travail ont dĂ©fini les RPS comme "recouvrant des risques professionnels d’origine et de nature variĂ©es, qui mettent en jeu l’intĂ©gritĂ© physique et la santĂ© mentale des salariĂ©s et ont, par consĂ©quent, un impact sur le bon fonctionnement des entreprises. On les appelle «psycho-sociaux», car ils sont Ă  l’interface de l’individu (le « psycho »), et de sa situation de travail : le contact avec les autres (encadrement, collĂšgues, clients, etc.), c’est-Ă -dire le «social»".

La complexitĂ© de ces nouveaux risques est Ă©galement identifiĂ©e : à la fois plurifactoriels (plusieurs types et niveaux de causes
) et entraĂźnant des effets trĂšs variĂ©s selon les personnes. Ils sont aussi poreux, dans le sens oĂč ils peuvent mĂȘler les sphĂšres intime et professionnelle de la personne.

ProposĂ©e en 2011 Ă  la suite de nombreux travaux dans diffĂ©rentes disciplines (psychologie, sociologie, Ă©pidĂ©miologie, ergonomie, etc..), la dĂ©finition qu’a donnĂ©e le collĂšge d’expertise sur le suivi des RPS mis en place par le ministre du Travail, communĂ©ment appelĂ© « rapport Gollac », fait aujourd’hui consensus :

« les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrĂ©s par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ».

Cette dĂ©finition est d’ailleurs celle retenue par l’accord sur la prĂ©vention des RPS dans la fonction publique le 22 octobre 2013. Elle est aussi Ă  la base des documents produits par la DGAFP pour aider Ă  la prĂ©vention dans le secteur public.

 

Les RPS dans la fonction publique

La DGAFP du MinistĂšre de la fonction publique prĂ©cise que « le terme RPS dĂ©signe un ensemble de phĂ©nomĂšnes affectant principalement la santĂ© mentale mais aussi physique des travailleurs, qui peuvent se manifester sous diverses formes : stress au travail, sentiment de mal-ĂȘtre ou de souffrance au travail, incivilitĂ©s, agressions physiques ou verbales, violences, etc ».

Dans le secteur public, la relation trĂšs frĂ©quente au public – public parfois en situation de prĂ©caritĂ© ou de dĂ©tresse- donne des caractĂ©ristiques spĂ©cifiques aux RPS. Il en va de mĂȘme pour la question du sens du travail, particuliĂšrement prĂ©gnante dans la relation des agents Ă  leur activitĂ© professionnelle.  
Enfin, lorsqu’on Ă©tudie les risques psychosociaux dans la fonction publique, il est important de tenir compte de la proportion Ă©levĂ©e de femmes employĂ©es dans les administrations, compte tenu du fait qu’elles sont statistiquement plus exposĂ©es Ă  des violences et au harcĂšlement que leurs collĂšgues masculins.

 

Des effets sur la santé

Multiformes, les RPS ont nĂ©anmoins en commun des effets (« troubles » psychosociaux) qui peuvent ĂȘtre graves sur la santĂ©. Sur le plan psychologique et physique, ces risques sont de nature Ă  favoriser des pathologies comme les dĂ©pressions, les troubles du sommeil, les troubles cardiovasculaires, les ulcĂšres, ou encore les maladies psychosomatiques. Le lien avec l’apparition de troubles musculo-squelettiques (TMS) a Ă©galement Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©. Dans des cas extrĂȘmes, ils peuvent conduire Ă  des suicides.

 

La qualité du service

Sur le plan social, ces troubles peuvent avoir pour consĂ©quences des tensions et conflits entre collĂšgues, des formes de dĂ©sengagement au travail et bien sur l’absentĂ©isme. On note d’ailleurs, ces derniĂšres annĂ©es, des niveaux d’absentĂ©isme significatifs dans la fonction publique reliĂ©s Ă  des questions de conditions de travail (cf. Ă©tude DREES pour la FPH, Ă©tude ADRH-GCT pour la FPT , et les extraits du rapport annuel de la fonction publique sur le thĂšme du temps et de conditions de travail et des absences)

Or, dans des activitĂ©s de service, la qualitĂ© du travail produit rĂ©sulte largement de l’engagement du travailleur, de sa capacitĂ© d’écoute du client ou de l’usager, ou encore de sa capacitĂ© de s’adapter aux demandes diverses et de construire les rĂ©ponses adaptĂ©es. Constat Ă©videmment particuliĂšrement vrai dans les services publics oĂč les demandes des usagers Ă©voluent, se complexifient voire entraĂźnent des rapports tendus dans certains secteurs. Il a ainsi Ă©tĂ© montrĂ©, Ă  l’hĂŽpital en particulier, que la qualitĂ© des soins Ă©tait largement liĂ©e Ă  la qualitĂ© des conditions de travail des agents (cf. Ă©tude HAS). Il y a donc une relation Ă©troite entre qualitĂ© des conditions de travail et la qualitĂ© du service public rendu Ă  l’usager.

Au niveau macro-Ă©conomique, le coĂ»t social du stress en France (dĂ©penses de soins, celles liĂ©es Ă  l’absentĂ©isme, aux cessations d’activitĂ© et aux dĂ©cĂšs prĂ©maturĂ©s) a Ă©tĂ© estimĂ© en 2007 entre 2 et 3 milliards d’euros (Ă©tude INRS et Arts et MĂ©tiers ParisTech).

 

Les facteurs de risque

MĂȘme s’il existe des caractĂ©ristiques individuelles qui vont influencer sur l’apparition des troubles psychosociaux, les RPS ont souvent des causes communes liĂ©es Ă  l’organisation du travail : charge de travail, manque de clartĂ© dans le partage des tĂąches, intensification du travail, organisation du travail, mode de management etc. Ils peuvent Ă©galement renvoyer Ă  des pertes de repĂšres, Ă  la difficultĂ© Ă  trouver du sens au travail ou bien Ă  des conflits de valeurs.

Là encore, le rapport Gollac fait référence, avec une liste de 6 grandes familles de facteurs de risque :

1 -Intensité et temps de travail (surcharge de travail, travail en horaire décalé, etc)

2 - Exigences Ă©motionnelles (contact avec la souffrance, peur, etc)

3 - Manque d’autonomie dans le travail (ne pas pouvoir interrompre son travail, devoir interrompre une tĂąche pour une autre, impossibilitĂ© d’anticiper, monotonie, etc)

4 - Mauvaise qualitĂ© des rapports sociaux au travail (mauvaises relations aux collĂšgues, Ă  la hiĂ©rarchie, manque de reconnaissance, sentiment d’injustice, absence de possibilitĂ©s de parcours professionnel, etc)

5 - Conflits de valeur (faire des choses que l’on dĂ©sapprouve, qualitĂ© empĂȘchĂ©e, etc)

6 - InsĂ©curitĂ© de la situation de travail (prĂ©caritĂ© de l’emploi, insĂ©curitĂ© liĂ©e Ă  des changements permanents, Ă  des rĂ©organisation, etc)  

Une entrĂ©e par ces familles de facteurs est vraiment Ă  privilĂ©gier lorsque l’on conduit un diagnostic des RPS dans une organisation publique. Évidemment, ils ne sont pas tous prĂ©sents en mĂȘme temps et c’est l’analyse fine, au cas par cas, qui permettra de dĂ©terminer quels facteurs dans ces six familles sont les plus en cause. Par ailleurs, ils peuvent se combiner, une surcharge de travail pouvant entraĂźner par exemple des tensions avec les collĂšgues et un sentiment de non-reconnaissance.

A l’inverse, certains facteurs peuvent devenir des facteurs de protection Ă  soutenir et dĂ©velopper : des situations de tensions avec le public peuvent ĂȘtre attĂ©nuĂ©es par la qualitĂ© des relations entre collĂšgues de l’équipe de travail et le soutien de l’encadrement.

C’est donc, Ă  chaque fois, une analyse trĂšs contextualisĂ©e qu’il convient de faire pour comprendre les situations de travail et le ressenti des agents. Outre des analyses quantitatives qui peuvent ĂȘtre faites (ex. questionnaires sur les RPS), on voit qu’une dĂ©marche RPS doit s’appuyer fortement sur une apprĂ©ciation qualitative basĂ©e sur l’analyse de situations concrĂštes de travail et surtout la parole des agents.

 

Privilégier la prévention primaire des RPS

Les RPS sont donc dĂ©finis comme des risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrĂ©s par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental. Cette dĂ©finition met en Ă©vidence la nĂ©cessité de relier deux registres d’action habituellement distincts dans l’organisation de la prĂ©vention des risques professionnels : d’une part, la santé (mentale, physique et sociale) au niveau des effets ; d’autre part, les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels au niveau des causes.

Facteurs de risques principaux, les facteurs organisationnels et relationnels sont donc les leviers sur lesquels agir en prioritĂ© pour dĂ©velopper une prĂ©vention primaire des RPS. La prĂ©vention devient donc Ă©minemment plus complexe à mettre en Ɠuvre - et aussi à Ă©valuer dans son efficacitĂ© – que s’il s’agissait uniquement d’amĂ©nagements techniques des postes de travail. D’une part, parce qu’elle ne relĂšve plus d’un seul champ d’expertise et d’action dĂ©fini (mĂ©decins, prĂ©venteurs, etc.), mais de l’ensemble de la ligne hiĂ©rarchique et managĂ©riale (actions dans les domaines RH, management, organisation). D’autre part, parce que les leviers d’action ne sont pas directs, et leurs effets ne sont pas immĂ©diats : les effets spĂ©cifiques d’une action donnĂ©e sont souvent difficiles à identifier - particuliĂšrement dans des contextes de changements organisationnels frĂ©quents et rapides, ce qui est le cas de la fonction publique ces derniĂšres annĂ©es.

Les évolutions récentes

La derniĂšre enquĂȘte « Conditions de travail - Risques psychosociaux » conduite en 2016 fait Ă©tat, au niveau de l’ensemble des salariĂ©s en France, d’une stabilisation des contraintes de rythme de travail et d’une baisse de certaines contraintes psychosociales : charge mentale en diminution, horaires moins contraignants, soutien social fort et stabilisation de la demande Ă©motionnelle, recul des comportements hostiles. En revanche l’autonomie des salariĂ©s poursuit son recul. Les contraintes physiques sont globalement stabilisĂ©es Ă  un niveau qui reste Ă©levĂ©.

Cette grande enquĂȘte nationale prend aussi en compte, depuis quelques annĂ©es, la fonction publique. On y constate les mĂȘmes grandes Ă©volutions : une certaine stabilisation des facteurs de risques, mais qui restent de tout de mĂȘme Ă  un niveau Ă©levĂ©. A noter quelques spĂ©cificitĂ©s :

  • dans la FPH, les contraintes de rythmes sont particuliĂšrement fortes et continuent de s’accroĂźtre (dĂ©lais Ă  respecter en peu de temps, demandes extĂ©rieures pressantes, etc), de mĂȘme que les tensions avec le public ;
  • la proportion de personnes dĂ©clarant craindre pour son emploi s’accroĂźt sensiblement, en particulier dans la FPT et la FPH dans des contextes de rĂ©organisation forte ;
  • une baisse des risques psychosociaux plus importante dans la fonction publique de l’État que dans les autres versants de la fonction publique et que dans le secteur privĂ© ;
  • dans toute la FP, le travail morcelĂ© (devoir frĂ©quemment interrompre une tĂąche pour une autre) augmente lĂ©gĂšrement.